Société
Retour24 août 2022
Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca
René Lévesque le Gaspésien
NEW CARLISLE
©Archives du Musée de la Gaspésie, P1/7/3. - Chaleurs Nouvelles
René Lévesque lors de la visite officielle du président de la France François Mitterrand à Gaspé en 1987. Sur la photo, on aperçoit Mitterrand derrière Lévesque.
À l'occasion du 100e anniversaire de René Lévesque, voici une collaboration spéciale signée par l'historien Jean-Marie Fallu.
Gaspésien d’origine, René Lévesque a toujours manifesté de l’intérêt pour la péninsule et de l’affection pour le peuple gaspésien. Bien des traits de sa personnalité émanent de son appartenance à la Gaspésie.
Son enfance passée à New Carlisle le marque à jamais. Il y acquiert ce qu’il dira être une « ébauche d’identité ». La mer sera pour lui une source de liberté et d’insouciance. Toute sa vie, il témoignera de son amour pour la mer.
Hyperactif, le gamin impétueux fait les cent coups et donne bien du fil à retordre à ses parents. Après avoir commis un méfait, il s’en désole par un rire sec en haussant les épaules sans rien dire, geste spontané et très caractéristique qu’il reprendra tout au cours de sa vie et qui finira par le rendre bien sympathique. On reconnaîtra ce côté gavroche de son enfance dans le politicien anticonformiste qu’il sera.
De 1933 à 1938, Lévesque fréquente le Séminaire de Gaspé qu’il qualifie de « séminaire du bout du monde ». Déjà initié à la lecture des grands classiques par son père, il y peaufine son développement intellectuel et sa pensée politique. Élève surdoué, ce premier de classe connaît des succès académiques remarquables, remportant tous les premiers prix durant ses cinq ans d’études classiques. Il avouera plus tard que le Séminaire de Gaspé lui a transmis le goût de la discipline et de la rigueur. D’après sa deuxième femme Corinne Côté-Lévesque, c’est à ce Séminaire « que son esprit s’est ouvert au monde […] et que son sens de la justice et ses préoccupations sociales ont pris racine. »
Au contact des enseignants jésuites, Lévesque baigne dans l’effervescence nationaliste du temps. Et son éveil au journalisme prend forme dès ses treize ans en participant à la rédaction d’articles dans L’Envol, le journal des étudiants du Séminaire. En mai 1936, il profite de la fête à Dollard pour rédiger, à quatorze ans, Pourquoi demeurer français? « En Amérique, c’est à nous que revient cette mission qui est de projeter sur l’Amérique impérialiste la lumière de la culture française, de la culture spirituelle que, seuls, nous possédons. » Dans ce premier texte du jeune Lévesque, on perçoit déjà le fondement de son crédo politique qui le suivra plus tard. « Réclamons, au lieu des postes méprisables que nous possédons, les positions élevées qui nous sont dues. […] Du jour où cela sera accompli, nous pourrons nous dire maîtres chez-nous. ». À travers la qualité de son français et la clarté de ses opinions, on découvre un jeune Lévesque qui a les germes du brillant journaliste et du grand politicien qu’il deviendra.
En fin d’été 1938, sa mère Alice Dionne, veuve depuis un an, déménage à Québec, permettant à René de poursuivre son cours classique au Collège des Jésuites. En novembre, face aux préjugés qu’il entend sur la Gaspésie et fier de ses racines gaspésiennes, il prend la défense de sa région natale dans le journal étudiant. « On est toujours fier d’être “chez nous” parmi ces gens-là (les Gaspésiens), d’être des leurs!... On est Gaspésien, ou bien on ne l’est pas… »
Après la Seconde Guerre mondiale, où il a fait l’apprentissage du métier de reporter, Lévesque poursuit son travail de journaliste. Dans une série d’articles qu’il publie dans Le Canada en 1947, il raconte sa Gaspésie. « Percé : apothéose du spectacle gaspésien. […] Une baie...elle ramasse toute la beauté de cette côte unique … […] Gaspésie : pays du passé, pays d’avenir… Le plus vieux, et le plus neuf, et sans doute le plus beau pays du Canada... »
Devenu premier ministre, il se réfère à sa région d’origine, longtemps négligée, pour faire du développement régional une priorité. Dans le cadre d’une politique de décentralisation de l’appareil gouvernemental vers les régions, il décide de loger à Gaspé la Direction générale des pêches maritimes. Le succès sera plutôt mitigé. Exprimant sa déception, Lévesque confiera qu’il est plus facile de faire monter une morue à Québec que de faire descendre un fonctionnaire à Gaspé!
À sa retraite, Lévesque se promet de visiter plus souvent sa chère Gaspésie. « J’y suis pourtant retourné à quelques reprises ces dernières années. Assez pour voir qu’il s’est produit là comme ailleurs une accélération de l'histoire qui métamorphose et modernise mon éden du bout du monde, mais sans l’enlaidir, ce qui ne m’a pas surpris puisqu’il n’est pas enlaidissable. »
Lévesque considèrera toujours sa région d’origine comme étant à l’avant-scène de l’histoire du Québec. Il le déclare de façon imagée à Gaspé le 24 juillet 1984. « C’est ici que tout a commencé. La Gaspésie est au Québec ce qu’est le pouce à la main. »
Commentaires