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29 janvier 2019

Jean-Philippe Thibault - jpthibault@medialo.ca

OPINION - Le sort de la maison Busteed : aller au-delà du souvenir

Maison Busteed

©Photo Michel Gaudreau

Bâtie en 1800 par Thomas Busteed, la maison figure comme étant la plus ancienne résidence de la péninsule gaspésienne.

OPINION - Un texte rédigé par Jean-Marie Fallu, historien et président de Patrimoine Gaspésie, à l'intention de Monsieur Darcy Gray, chef du Listuguj Mi'gmaq Government.

Monsieur le Chef,

En tant qu’organisme voué à la préservation du patrimoine gaspésien, nous désirons vous exprimer notre préoccupation face au sort de la maison Busteed qui, depuis quelque temps, divise les membres de votre communauté puisqu’à son origine elle aurait été construite en territoire autochtone. Aussi, dans le cadre du processus de réflexion que vous entamez quant à l’avenir de ce bien patrimonial, nous souhaitons y apporter un point de vue qui se veut avant tout constructif tant pour votre communauté que pour l’ensemble des Gaspésiens.
Nous constatons qu’en 2012, le Listuguj Mi'gmaq Government, dont vous êtes présentement le chef, a acquis du gouvernement fédéral la maison Busteed, cet immeuble patrimonial qui a été classé par le gouvernement du Québec en 1987. Bâtie en 1800 par Thomas Busteed, la maison figure comme étant la plus ancienne résidence de la péninsule gaspésienne. Le classement a été attribué à ce bâtiment en raison de son intérêt patrimonial d’importance quant à ses valeurs historique et architecturale. Or, cette maison qui a été maintenue dans un état de laisser-aller et qui a subi du vandalisme, nécessite à l’heure actuelle d’urgentes rénovations.


Pourquoi faut-il préserver la maison Busteed?


En dehors du fait que cette maison a une valeur historique et patrimoniale reconnue par la loi, une question se pose : quel intérêt et quel apport représente cette maison tant pour votre communauté que pour les communautés allochtones?
De prime abord, on peut comprendre que pour les membres de votre communauté cette maison ait une signification négative, plusieurs y voyant là un symbole de dépossession, de colonialisme outrageant et d’usurpation de vos droits ancestraux. Votre communauté étant divisée sur le sujet, il en découle que la préservation de cette maison vous place dans une situation inconfortable.

Toutefois, vous pourriez retourner la situation à votre avantage, car le terrain où se trouve la maison Busteed est un lieu chargé d’une riche histoire qui pourrait être mise en valeur. Le secteur ayant été fréquenté par vos ancêtres mi’gmaq, des fouilles archéologiques qui ont été effectuées sur le terrain ont permis de trouver plusieurs objets autochtones qui en témoignent. De plus, la maison est située sur la pointe à Bourdeau, anciennement nommée pointe à Bourdon, où aurait été érigé un poste militaire français au printemps 1759, soit un an avant la bataille de la Ristigouche.

Le patrimoine : une valeur de rappel


On ne peut nier ni oublier l’histoire. Et le patrimoine bâti est un témoin oculaire qui mérite d’être conservé pour en témoigner tant dans le présent que dans le futur. Préserver la maison Busteed sur son site d’origine devrait avoir une valeur de rappel des différentes facettes entourant le passé de ce lieu et une façon pour vous, Mi’gmaq de Listuguj, de vous réconcilier avec un pan douloureux de votre histoire et de vous projeter vers l’avenir.
À travers vos déclarations publiques sur ce dossier, on peut déceler chez vous une ouverture d’esprit qui vous honore. Vous comprenez que, de nos jours, on ne peut plus vivre isolé et gérer en silo. À l’heure des communications et de la transparence, on privilégie la recherche de collaborations et de partenariats avec l’extérieur, ce que vous semblez préconiser et qui aide à briser la barrière des préjugés. « La collaboration entre les municipalités et la communauté de Listuguj s’améliore à chaque jour, à chaque semaine. »
On remarque que votre communauté connaît un essor, entre autres dans le domaine des pêches et de l’éolien. Le moment est donc propice pour poursuivre cet élan, notamment dans le secteur touristique qui est en croissance en Gaspésie. Des magazines comme le National Geographic et Lonely Planet ont identifié récemment le tour de la Gaspésie parmi les premières destinations touristiques du globe. Si ces touristes recherchent la beauté des paysages, ils affectionnent particulièrement les attraits culturels et patrimoniaux, en outre ce qui a trait à l’histoire et à la culture des autochtones. Or, l’histoire de la nation mi’gmaq est peu connue tant des visiteurs que des Gaspésiens.

Aller au-delà du souvenir

Ainsi, vous pourriez tirer profit de la préservation et la mise en valeur de la maison Busteed en créant un « Espace Mi’gmaq », un lieu de commémoration et d’interprétation de votre histoire en relatant à la fois le passé douloureux que représente cette maison comme symbole du colonialisme, mais aussi en traitant de la prise en charge de votre histoire, de votre culture et de votre développement en lien avec les communautés allochtones.
En ce sens, le cas de Paspébiac peut être un exemple révélateur en matière de patrimoine. Dans les années 1960 et 1970, des gens de cette municipalité souhaitaient voir démolir les bâtiments de la compagnie Robin qui représentaient pour bon nombre un symbole d’exploitation. En préservant ces bâtiments, la communauté de Paspébiac a ainsi conservé à jamais les traces matérielles de ce système d’exploitation afin de se souvenir pour toujours de cette histoire. Aujourd’hui, le site historique de Paspébiac est un attrait touristique et un apport économique pour cette municipalité.

Aussi, le dossier de la maison Busteed devrait être un moment propice de réflexion sur le sens à donner à un bien patrimonial sous l’angle de sa représentation historique certes, mais particulièrement dans une perspective actualisée de vos rapports intercommunautaires et intergouvernementaux (municipalité de Pointe-à-la-Croix et gouvernements du Québec et du Canada). Dans une optique de réflexion plutôt que de réaction, nous vous invitons donc à mener à bon port ce dossier sur la base des valeurs qui vous sont chères, soit le besoin de guérison et de réconciliation avec le passé et le désir du vivre ensemble.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre point de vue, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Chef, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

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